Une fraternité sans paternité ?
Vous êtes bien d'accord, cher lecteur soucieux d'aller au fond des choses, que la fraternité ne peut se concevoir sans paternité, et, bien sûr, sans maternité. Or la fraternité figure en troisième position, la meilleure, dans la devise républicaine française. D'où ma question : quelle est notre paternité ? Je dis la France, mais, bien sûr, la question se pose pour chaque peuple, ô mes lecteurs de toutes les nations. Pour les Français, le problème est qu'ils ont guillotiné leur roi en 1793 et que Nietzsche a constaté la mort de Dieu dans le monde moderne.
Sommes-nous des enfants trouvés pour autant ? Certes non, puisque nous avons une histoire. Nous sommes les enfants de nos Pères fondateurs. Voilà l'idée à laquelle je voulais en venir. Ces Pères fondateurs ne sont pas transcendants comme Dieu ou le Roy. Ils ressemblent plutôt aux ancêtres mythiques des peuples de la tradition, sauf qu'ils ne sont pas mythiques. Ils ont vraiment existé et nous leur devons en partie ce que nous sommes. Encore faut-il les connaître, ces Pères fondateurs, ce qui dépend de l'éducation nationale et des médias. Des noms ? Voici ceux qui me viennent à l'esprit : Montesquieu, Voltaire et Rousseau, Robespierre, Pierre Leroux, Jules Ferry, Clemenceau. Léon Blum, de Gaulle. À discuter.
Objection : C'est un conte de fées que vous nous faites là ! Vous êtes en train de restaurer un roman national dont nous ne voulons plus. D'abord, il y a deux Jules Ferry, le bon Jules Ferry, le fondateur de l'école obligatoire, et Ferry Tonkin, l'apôtre de la colonisation qui voulait "civiliser les races inférieures". Et le Maréchal Pétain, vous l'avez oublié dans votre liste. Les Français ont été pétainistes plus que gaullistes !
- Vous m'enlevez les mots de la bouche ! Un héritage, c'est des dettes autant que du crédit. Pareil pour la mémoire. Nous avons aussi à assumer l'héritage du colonialisme et de l'antisémitisme. Nous n'avons pas à choisir entre le bon et le mauvais. Nul n'a un père parfait, mais tout le monde en a un. C'est le tout qui fait partie de notre destin commun, les ombres comme la lumière de notre histoire. Voilà notre héritage.