Les ouvriers de la onzième heure
Encore ce matin, Faustine m'a demandé si ça existait l'amour sale. Je lui ai dit certes, mais que ça n'avait rien à voir avec l'amour-propre. Je reviens à l'amour-propre après une vive discussion avec Jina et Kate à propos des ouvriers de la onzième heure. Vous vous souvenez, mes chers lecteurs, que dans cette parabole, le maître provoque les murmures des ouvriers qui ont travaillé tout le jour dans sa vigne et qui reçoivent le même salaire que ceux qui n'ont été recrutés qu'à la dernière heure. Le maître leur répond qu'ils n'ont pas à se plaindre puisqu'ils ont reçu le prix convenu.
J'ai dit que la passion qui animait les ouvriers de la première heure, c'était la jalousie, cette maladie de l'amour-propre. Ils auraient mieux fait de se réjouir que leurs frères bénéficient d'une petite faveur qui leur permettraient de remplir eux aussi la gamelle familiale sans que cela leur nuise en rien à eux. Mais non, ils se sont sentis lésés ! C'est exactement la même chose dans la parabole du fils prodigue.
Jina s'est indignée en disant que la parabole des ouvriers de la 11° heure pouvait servir à justifier toutes les injustices de la terre.
Son point de vue se comprend très bien. Dans l'Introduction de son Histoire de la Révolution française, Michelet allait dans le même sens en affirmant que c’est un leurre de placer la doctrine de l’Amour en lieu et place de la Justice. La preuve en est que les paysans européens ont dû supporter mille ans de famine, de jeûne et de faim et qu'ils ont fini par faire la Révolution au nom de l'Égalité et de la Justice.
Alors allons-nous choisir la Justice en lieu et place de l'Amour et jouer 1789 contre l'Évangile ? Évidemment non : c'est les 2 qu'il nous faut, la Justice et l'Amour, l'Amour et la Justice ! En d'autres termes la politique et la psychologie, la psychologie et la politique !
Photo : Évangéliaire byzantin du XI° siècle.