Pourquoi je suis, nous sommes, convivialiste(s)
Le convivialisme n’est pas un parti politique, mais plutôt un groupement et un mouvement de réflexion et de proposition sur le monde comme il va, ou plutôt comme il ne va pas. Je vous ai déjà invité, cher lecteur, à visiter son site internet. Deux idées opposées mais liées me semblent particulièrement précieuses : la décroissance et l’hybris.
Toutes les grandes idéologies politiques dont nous disposons depuis 1789 ont en partage, à gauche comme à droite, le développement des forces productives. La décroissance est au contraire inscrite dans le logiciel du convivialisme. La réponse à l’accroissement de la population mondiale et aux possibilités offertes par la technique face à la finitude de notre planète, nous savons maintenant que c’est la diminution et la rationalisation de la consommation des ressources naturelles animales, végétales et minérales, et l’arrêt des pollutions.
Placer l’hybris, c’est-à-dire la démesure au centre d’une politique est une innovation qui permet de jeter un pont anthropologique entre l’économie et la psychologie. En se séparant des religions sous l’effet de la laïcité, la politique moderne a complètement déserté le terrain de l’introspection, c'est-à-dire de la recherche des motifs conscients et inconscients des désirs. Comment une politique pourrait-elle s’employer efficacement à mesurer la consommation et la production sans se tourner sur les racines de ce désir ? C’est cette lacune béante au sein de tous les partis politiques traditionnels, écologistes compris, qu’entreprend de réparer le convivialisme.
Mais qu’est-ce que l’hybris ? La démesure ne vient pas toute seule : elle est le fruit de la rivalité. Cela est gravé à la première page du texte le plus ancien de notre culture, l’Iliade. L’orgueil d’Achille qui causera la mort de milliers d’hommes est provoqué par la blessure d’amour-propre que lui a causé Agamemnon en lui enlevant sa belle captive. Derrière l’hybris, il y a donc la rivalité et derrière la rivalité, il y a l'excitation de l’amour-propre. Je tenterai donc le raccourci que c’est d'une psychanalyse de la rivalité et de l’amour-propre qu'a besoin notre planète.
Or cette psychanalyse de l’amour-propre, nous l’avons. C’est pour la retrouver que le convivialisme nous renvoie à la source de notre culture. Les moralistes jansénistes l’ont théorisée au XVII° siècle, prolongés par Rousseau, puis par Alfred Adler et Paul Diel au XX° siècle. Mais quels politiques ouvrent leurs œuvres, pourtant disponibles aux éditions Payot ?
La devise républicaine n’a pas oublié la fraternité, synonyme de convivialisme. Mais quel est le frein, l’obstacle à la fraternité ? Réponse la rivalité, la concurrence. En replaçant la rivalité au centre de la politique, le convivialisme dit où est l’obstacle, un obstacle psycho-moral.
J’ajouterai que si la fraternité est un sentiment qui rapproche les hommes, ce sentiment a maintenant vocation à s'exercer aussi envers la nature.
La droite préfère la liberté ; la gauche préfère l'égalité. Cet équilibre est cher au convivialisme, mais c'est beaucoup en donnant la main à leur petite sœur, la fraternité, que le convivialisme aborde les grandes questions. Le calcul d’intérêt ne saurait être le seul fondement de la politique. Du pain sur la planche pour les éducateurs, les médias, les associations, les lanceurs d’alerte…
Photos : Mes récoltes de l'automne dernier.