Prise érotique et violence
Vautré dans l’escalier hier matin occupé à décrouter les contremarches de l'escalier à la martelette, un dialogue de marins dans Fragments d'un paradis de Giono m’est revenu à l’esprit. Giono qui n’a jamais mis le pied sur un bateau semble tout connaître de la mer mais les hommes ne sont-ils pas les mêmes partout ? Paumolle a donc tapissé sa couchette d’images de femmes et de chasses à courre. « Ca fait une drôle de salade », lui a dit Brodier. « Pas tant que ça, a dit Paumolle négligemment. » (Pléiade, tome 3, p. 991) Il faut dire que les vibrations provoquées à chaque passage sur le nez des marches en chêne avaient fini par faire éclater le plâtre dessous. Donc faire tomber le mauvais et remettre un bon enduit de rebouchage.
Que vous dit le « Pas tant que ça... » de Paumolle, ô mon lecteur point négligent ? Si cette phrase de Giono m’est revenue à l’esprit, c’est à cause de Baron noir, cette nouvelle série dont je suis accroc maintenant, moi qui me disais inconsolable de la fin du Bureau des légendes. Les acteurs sont excellents, les dialogues enlevés et l’immersion dans le milieu de la politique plein d’enseignement. Baron noir décrit de l’intérieur les luttes fratricides au Parti socialistes. Rien de bien attirant penserez-vous... Il ne faut pas dire ça : ce n’est pas le sujet qui importe, mais la qualité du traitement.
Alors quel rapport entre Baron noir, les femmes nues dont un marin tapisse sa couchette et les chasses à courre ? C’est malheureux à dire en pleine affaire Weinstein mais, dans la bouche de ces hommes politiques, la violence des rivalités s’exprime par des insanités permanentes : le 49.3, on s’en branle ; on va les niquer jusqu’au trognon ; Bonjour monsieur fils de pute ; tous des enculés ; il faudra quelqu’un qui ait des couilles, et des grosses ; on s’en bat les couilles ; ce sera comme un gang bang dans une cave. Je vous épargne les expressions plus violentes, ô mes lecteurs très délicats.
Deux bémols quand même : 1- ce sont toujours les hommes qui parlent ainsi. Les femmes aguerries ne bronchent pas, les jeunes ont un sourire gêné. 2- Ce sont là des métaphores qui ne visent pas spécialement les femmes.
Reste la question posée par Paumolle : quel rapport y a-t-il entre prise érotique et violence ? Et dans le milieu des affaires, comment parle-t-on ? Et à Mossoul et Rakka pendant le siège ?
Et autre question : a-t-on affaire à des hommes mal élevés ou la violence dans la sexualité manifeste-t-elle un invariant humain ? Dans la première hypothèse, les hommes vont se civiliser sous l’influence des femmes. Dans la seconde, les femmes adopteront bientôt le même vocabulaire...
Photo : un potimarron sur ma cheminée.