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Les garçons sont-ils trop égoïstes ?


Je ne suis pas une héroïne, c’est le titre du douzième roman de Nicolas Fargues. Je les ai presque tous lus, pas parce que Nicolas est un bon et jeune ami de longtemps, mais parce que ses romans me plaisent. J’aime deux choses chez lui, d’abord la densité de son écriture en pixels. Il y a quelque chose dans chaque phrase. Ensuite le regard évaluateur que les personnages portent sans cesse les uns sur les autres. La vie est ainsi faite, c’est juste que Nicolas le dit bien.

Ce roman est une réécriture, deux siècles plus tard, de Mémoires de deux jeunes mariées, ce roman épistolaire de Balzac dans lequel deux amies ont, au sortir du couvent, promis de tout se raconter de leurs amours. Ici, Louise et Rénée s’appellent Géralde et Fadila.

Nicolas écrira l’histoire de Fadila une autre fois. Pour le moment, Géralde a deux problèmes. D’abord, elle est camerounaise mais, justement, elle n’aime pas qu’on le lui fasse remarquer. Nicolas revient de roman en roman sur la question de la négritude, sujet qui le hante. Le regard blanc sur les noirs et vice versa. Avec, bien sûr, toujours cette fichue crainte de la mauvaise appréciation.

Mais le problème numéro un de Géralde, ce sont les hommes. Ce n’est pas qu’elle en manque : il y en aurait plutôt trop… Elle aimerait bien former un couple, mais rien à faire, les hommes sont trop volages, trop égoïstes, incapables de s’engager. Après l'amour, elle surprend Alain consultant ses messages après s’être essuyé avec le pan de son caleçon et ne s’étonnera pas trop quand elle reçoit ce texto : Je pense que ça va pas l'faire entre nous, en fait. Le en fait est excellent, nouveau sparadrap du capitaine Haddock avec les du coup, en clair, au final, etc.

Géralde est une nouvelle Lamiel, cette héroïne de Stendhal dont je parlais dans mon dernier billet, qui est toujours déçue et ne trouve finalement la passion que dans les bras d’un criminel promis à la guillotine, le redoutable Lacenaire.

J’arrêterai mes comparaisons quand j’aurai dit que le roman de Nicolas répond à Soumission. Dans le dernier roman de Houellebecq, François n’arrive pas à fidéliser ses amantes qui finissent à chaque rentrée universitaire par lui annoncer qu’elles ont « rencontré quelqu’un » pendant l’été, comme s’il n’était pas quelqu’un, lui aussi ! François dit que ce sont les filles qui sont inconstantes. Géralde dit que ce sont les garçons. Qu’ils s’arrangent ensemble ! Ce qui est sûr, c’est que les couples ont du mal à se former et à durer, problème de notre temps en effet.

Après, nous avons affaire à un roman de la mondialisation. Tout est à l'horizontale, si je puis dire, sans diachronie. Il y a le dialogue blanc/noir et les nombreux voyages aux antipodes (tant pis pour l’indice carbone !). Il y a le globish dont Géralde se grise. Il y a l’incessante communication par smartphone qui donne une sensation d’ubiquité. Il y a l’abus aussi des détergents et cosmétiques. Hantée par la promiscuité, Géralde utilise force Ajax et lingettes, soumise au standard hygiéniste imposé par la publicité commerciale, insoucieuse du précepte écologiste : Quand c’est propre chez moi, c’est sale dehors.

Géralde m’a touché dans son désir d’attachement durable et, sans doute, d’avoir des enfants (c’est une chose qui arrive quand on est deux…), mais j’avoue que, côté durabilité, elle m’a donné envie de remplacer à la maison tous les cosmétiques et détergents par un pavé de savon de Marseille (production locale) pour la vaisselle, la lessive et la toilette, shampouinage et brossage des dents compris.

Courage, petite Géralde… !

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