Jésus féministe
J’ai déjà eu le plaisir de vous entretenir, ô lecteur plein de suite dans les idées, d'Homère féministe, chrétien et psychanalyste les 6, 8 et 10 novembre denier. Après Rousseau psychanalyste et Jésus psychanalyste, voici Jésus féministe. Il y avait aussi un billet Sur la lapidation de la femme adultère le 7 août.
Je vais simplement repiquer maintenant une page de mon livre La République insoumise. Réponse à Michel Houellebecq, dont l’auteur, comme dans ce blog, discute avec plusieurs lecteurs.trices qui l’interrompent sans arrêt :
Une amie des Femen : Nous, les Femen, on est contre la religion parce qu’elle abaisse les femmes et contre la laïcité parce qu’elle tolère la religion. Alors, la République…
L’auteur : À quelle religion faites-vous allusion ?
L’amie des Femen : À toutes les religions ! Toutes les religions sont machistes. Elles commencent par lapider les femmes adultères et continuent en brûlant les sorcières, et en enfermant les femmes derrière des murs, des voiles et des préjugés !
L’auteur : Il me semble qu’il faudrait quand même distinguer un peu entre les religions. Même sans parler du bouddhisme et du taoïsme et à ne considérer que les religions du Livre, il y a des nuances. Vous ne rendez pas justice à Jésus. Le Moyen-Orient antique fut l’épicentre du machisme : c’est dans ce contexte que les voix d’Homère et de Jésus sont si singulières. Il s’agit quand même des deux sources de la culture européenne, la source grecque et la source chrétienne.
Que disent le judaïsme et l’islam ? On lit dans la Bible : " Si une jeune femme ne s'est point trouvée vierge [le jour de son mariage], on la fera sortir à l'entrée de la maison de son père ; elle sera lapidée par les gens de la ville jusqu’à ce qu’elle meure. (Deutéronome, 22, 20-21) Le Coran est un peu plus tendre : « Vous infligerez à l’homme et à la femme adultères cent coups de fouet à chacun. » (Sourate XXIV, verset 2), supplice aggravé par les docteurs de la loi : plusieurs hadiths et la charia demandent la lapidation pour la femme adultère, sous condition, il est vrai, que les faits aient été constatés par quatre témoins oculaires. Le judaïsme a aboli la lapidation depuis longtemps, mais elle n’a pas tout-à-fait disparu des terres d’islam. Il est à noter qu’il s’agit de vieilles traditions sociologiques bien antérieures aux religions du livre qui n’ont fait que s’y a adapter.
L’Église catholique, elle-même, qui a, en effet, brûlé beaucoup de sorcières, et qui n’a pas vraiment fait ses mises à jour sur la péjoration du sexe féminin n’est pas éloquente sur le sujet du féminisme de Jésus qui se retrouve bien seul…
L’amie des Femen : Le féminisme de Jésus ?
L’auteur : Jésus relève Marie-Madeleine comme il a relevé la femme adultère, au lieu de la laisser lapider comme le voulaient les Pharisiens. Ce n’est quand même pas rien ! Comment s’y prendre pour arrêter une meute humaine déchaînée, forcément un peu sadique ? Jésus commence à tracer des signes dans le sable avec un bâton. Tout le monde s’interroge et il demande que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre. Ça revient à mettre celui qui se dirait sans tâche dans la position de l’accusée : seul contre tous. Les plus âgés se retirent les premiers, sans doute parce que ce sont eux qui ont le plus péché. Qu’est-ce que les féministes en disent ?
L’amie des Femen : Mais je le connais ce texte ! Ça me revient maintenant ! Dans son village, près de Kiev, ma grand-mère lisait George Sand en russe et elle m’a raconté plusieurs fois l’histoire de Jésus et de la femme adultère !
Photo : Marie-Madeleine pénitente, Johan Moreelse, 1630, Musée des Beau-Arts de Caen.