Emmanuel Macron et les Convivialistes
Chers lecteurs soucieux de la marche du monde, je vous ai déjà entretenu du mouvement convivialiste, lui-même fédérateur de multiples associations, et je vous ai invités à rejoindre ses 3760 membres (au 26 janvier) si son manifeste vous séduit : http://www.lesconvivialistes.org/
J'ai participé, le 18 janvier à Paris, à la réunion de lancement du Club des convivialistes réunissant des experts de plusieurs disciplines entre lesquels je m'étais glissé. En l’absence de Jean-Claude Guillebaud et d’Edgar Morin, Alain Caillé a exposé sa vision du Club et a dit à peu près ceci :
« Si nous sommes réunis ici, c’est parce que, malgré nos différences, voire nos divergences théoriques, idéologiques et politiques, nous partageons la certitude que notre planète et l’humanité sont confrontés à des périls redoutables et urgents, et que les réponses proposées à ces défis ne sont pas à la hauteur de leur gravité. Nous ne sommes évidemment pas les seuls, Dieu merci, à le penser et à retrousser nos manches où à plonger nos plumes électroniques dans nos encriers numériques pour tenter d’imaginer des réponses plus plausibles et convaincantes. Inutile de revenir ici sur les périls en question, sur les risques de crises majeures, climatique, environnementale, financière, économique, sociale, politique, morale, etc. Nous sommes largement d’accord sur ces points.
L’élément déclencheur qui a présidé au lancement du convivialisme tient à la difficulté de coordonner, tant localement qu’à l’échelle nationale, européenne ou mondiale, les multiples tentatives ou initiatives qui se cherchent un peu partout – celles, par exemple, dont le film Demain donne une illustration si vivante et réussie.
Potentiellement, c’est à l’échelle du monde qu’il faut espérer une mutation de l’opinion publique, un renversement de toutes les valeurs aujourd’hui dominantes, de tous les allants-de-soi néolibéraux.
Les quatre grands discours de la modernité, le communisme, le socialisme, l’anarchisme et le libéralisme ne sont plus en phase avec ce que nous vivons parce qu’ils s’organisaient à partir de coordonnées spatio-temporelles qui ont volé en éclats et parce qu’ils reposaient sur l’hypothèse que le problème premier de l’humanité est la satisfaction des besoins matériels. Ils ne nous permettent pas de poser correctement les problèmes nouveaux qui s’ouvrent devant nous : comment faire face à la finitude de la planète ? Au déchaînement de l’hybris ? À la nécessité d’organiser une société de prospérité sans croissance ? La principale réussite du convivialisme à ce jour, au-delà de la rédaction du Manifeste du convivialisme, est d’avoir su faire coexister des idéologies politiques bien différentes et parfois opposées, certaines s’inscrivant plutôt dans le champ de la gauche de la gauche, d’autres d‘une gauche plus modérée, voire du centre-gauche, sans exclure des sympathies venues de la droite humaniste et civique. Extrapolons un peu : n’est-ce pas là la preuve qu’il est possible, tout en n’ignorant rien des propensions de l’âme humaine à la violence, à l’hybris, ou, au contraire pour cette raison même, de faire le pari d’une politique de l’amitié plutôt que de l’inimitié ou de la haine. "
Alain Caillé a signalé ensuite deux initiatives avec lesquelles le Club des convivialistes est en lien direct, le Tribunal des consciences des crimes contre l’environnement créé par Edgar Morin et Alfredo Pena-Vega, réunissant des prix Nobel et des juristes et la Déclaration internationale de mise hors la loi de la misère que Mireille Delmas-Marty (Chaire de droit au Collège de France) présentera le 4 juin prochain à l’Institut, en présence des deux Académies et de la directrice de l’Unesco.
Alain Caillé évoqua aussi « la fin du merveilleux film Les heures sombres qui relate la façon dont Churchill, seul contre son propre parti et le roi, alors que tout semblait perdu, a su imposer le renoncement à la reddition face à Hitler. Comment Churchill a-t-il fait pour retourner l’opinion en sa faveur ? Son principal adversaire, Halifax, partisan de négocier avec Hitler, répond : « Il a su mobiliser la langue anglaise ». C’est là en effet notre rôle, le rôle des intellectuels. Il nous faut le faire avec la langue française, pour commencer, mais aussi, très vite, avec beaucoup de langues, et notamment avec la langue anglaise, nous aussi. »
Je vous mets ci-dessous, chers lecteurs soucieux de la marche du monde, la liste des 150 membres du Club convivialiste. Comme j’aimerais que notre Président adhère au Club convivialiste ! Il en a tout à fait le profil si on en croit son discours de Davos, il y a trois jours. Monté « à l’assaut à la tête d’une délégation de chefs d’État européens aussi solidaires qu’un pack de rugby », dixit Sylvie Kauffmann du Monde, Emmanuel Macron, ce Churchill au regard de Jeanne d’Arc, fut ovationné debout par une assistance internationale dont il est la nouvelle star. Il parla d’une globalisation à visage humain. Il rappela que la croissance n’était pas une fin en soi. Populaire dans le monde pour avoir repoussé le Front National, il avertit que les populismes gagneraient dans dix ans si un sens n’était pas redonné à la mondialisation. Il fut applaudi par un parterre de PDG quand il fustigea les 1 % de riches qui concentrent les richesses de la planète en pratiquant l’optimisation fiscale à tout crin, quand il réclama que les entreprises refondent un vrai contrat social avec les gouvernements au lieu de tirer la fiscalité et les droits sociaux toujours par le bas, quand il somma les GAFA de défendre les biens communs en investissant un euro dans l’éducation, la santé et l’environnement quand ils en investissent un autre dans un pays en développement.
Sommes-nous à la veille d’une nouvelle nuit du 4 août ?
Liste des membres du CLub au 18 janvier 2018 :
Jean-Philippe Acensi, Michel Adam, Claude Alphandéry , Hiroko Amemiya, Geneviève Ancel, Catherine André, Rigas Arvanitis, Geneviève Azam, Benjamin Ball, Laurence Baranski, Marc Basquiat de, Philippe Batifoulier, Jean Baubérot, Augustin Berque, Yves Berthelot, Romain Bertrand, Antoine Bevort, Daniel Bougnoux, Dominique Bourg, Axelle Brodiez-Dolino, Dorothée Browaeys, Françoise Brugère, Alain Caillé, Belinda Cannone, Jean-Louis Cardi, Barbara Cassin, Philippe Chanial, Benoît Chantre, Hervé Chaygneaud-Dupuy, Eve Chiapello, Philippe Cibois, Sébastien Claeys, Denis Clerc, Gabriel Colletis, Catherine Colliot-Thélène, Pascal Combemale, Josette Combes, Christian Coméliau, Thomas Coutrot, Daniel Cueff, Eric Dacheux, Jean-Yves Dagnet, Thierry Dallard, François Danvers, Hervé Defalvard, Jean-Claude Devèze, François Doligez, François Dubet, Dany-Robert Dufour, Jean-Pierre Dupuy, Timothée Duverger, Emmanuel Faber, Olivier Favereau, Anne-Marie Fixot, Denis Flacher, François Flahault, Fabrice Flipo, Jean-Baptiste Foucauld, de, Christophe Fourel, Philippe Frémeaux, Emmanuel Gabellieri, Jean Gadrey, Vincent Gaulejac, de, Susan George, Anne Gervais, François Gèze, Pascal Glémain, Roland Gori, Daniel Goujon, Jean-Marie Gourvil, Jean-Edouard Grésy, André Grimaldi, Jean-Claude Guillebaud, Patrice Guillotreau, Pascale Haag, Keith Hart, Armand Hatchuel, Edith Heurgon, Dick Howard, Marc Humbert, Eva Illouz, Ahmet Insel, Florence Jany-Catrice, Jean-Paul Jaud, Béatrice Jaud, Zhe Ji, Hervé Kempf, Etienne Klein, Jacinto Lageira, Bruno Lamour, Elena Lasida, Serge Latouche, Marc Lautier, Jean-Louis Laville, Christian Lazzeri, Jacques Le Goff, Frédéric Lebaron, Erwan Lecoeur, Jacques Lecomte, Martin Legros, Didier Livio, Agnes Lontrade, Pierre-Yves Madignier, Gilles Maréchal, Gustave Massiah, Dominique Méda, Maurice Merchier, Pascale Mériot, Pierre-Olivier Monteil, Jacqueline Morand, Edgar Morin, Chantal Mouffe, Yann Moulier-Boutang, Gaby Navennec, Pierre Nicolas, Thierry Paquot, Patrice Parisé, Antoine Peillon, Corine Pelluchon, Alfredo Pena-Vega, Bernard Perret, Jacques Perrin, Pascal Petit, Ilaria Pirone, Geoffrey Pleyers, Antonin Pottier, Michel Renault, Yves Renoux, Myriam Revault d'Allones, Emmanuel Reynaud, Marie-Monique Robin, Guy Roustang, Philippe Ryfman, Blanche Segrestin, Pablo Servigne, Hugues Sibille, Richard Sobel, Isabelle Sorente, Frédéric Spinhirny, Robert Spizzichino, Bernard Stiegler, Roger Sue, Bruno Tardieu, André Teissier du Cros, Michel Terestchenko, Bruno Théret, Jacques Toledano, Florent Trocquenet-Lopez, Patrick Tudoret, Jean-Jacques Tyszler, Frédéric Vandenberghe, Jean-Luc Veyssy, Bruno Viard, Denis Vicherat, Patrick Vieu, Jean-Louis Virat, Patrick Viveret, Juliette Weber, Jean-Pierre Worms.
Photo : le cliché d'un tableau que je regrette de n'avoir pas acheté à la Brocante de L'isle-sur-la-Sorgue, l'an passé.