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La vanité mère de tous les vices, suite


Dimanche, nous sommes montés à Vaugines pour tailler les amandiers avant qu’ils ne commencent à fleurir, maintenant que j’ai pu changer la chaîne de la tronçonneuse. En route, Michèle a mis un CD sur la méditation par Matthieu Ricard en disant que ça me ferait du bien et que c’était très tendance. Moi, je n’avais pas du tout envie de méditer, d’entendre des mots sanskrits et de revêtir une robe safran, alors que la route était si belle et que j’avais envie d’une conversation plus piquante… !

MR a parlé du mal de vivre que chacun entretient avec complaisance, des toxines mentales qui nous empoisonnent, du déplaisir de la jalousie, de la colère, du ressentiment, du manque d’ouverture à autrui qui nous enferme dans la morosité. Une idée importante est que l’opposition de l’altruisme et de l’égoïsme est une fausse opposition parce que l’égoïsme se retourne contre lui-même en coupant le lien, alors que l’altruisme est auto-satisfaisant car il retisse du lien. C’est pour ça que Matthieu Ricard parlait d’équilibre. Il parlait aussi de notre plan de vie pour les années que nous avions encore à vivre et disait qu’un égoïsme un peu conséquent consisterait à mettre de l’ordre dans notre confusion morale. Il disait aussi que l’autonomie est un leurre car nous dépendons tous les uns des autres au point de vue affectif autant qu’au point de vue matériel.

Je me suis aperçu que je connaissais tout cela par cœur parce que je l’avais découvert sous la plume de Paul Diel, il y a au moins 30 ans. C’est à lui qu’appartient l’expression égoïsme conséquent. J’ai d’abord été choqué à l’idée que Diel ne cite pas davantage le bouddhisme alors qu’il a consacré un livre à la mythologie grecque et un autre à la mythologie judéo-chrétienne.

Puis, je me suis dit que c’était encore mieux s’il avait reconstitué par ses propres moyens les conclusions de la sagesse bouddhiste. Que plusieurs personnes arrivent au même résultat par leurs propres voies, c’est mieux que si elles s’étaient imitées.

Pierre Leroux appelait Jésus « le Bouddha de l’Occident » et moi, je me demande bien aussi pourquoi les cathos ne font pas communiquer la sagesse de Jésus qui est sans cesse en guerre contre le ressentiment (je promets un billet là-dessus) avec les profondeurs du combat intérieur bouddhiste. Les curés dans leurs sermons pourrait bien parler un peu plus de notre combat intérieur.

Je prolonge un peu, dans les mots de Paul Diel, ce dissident du freudisme, ce que j’ai entendu hier en roulant sur l’autoroute. Paul Diel ne parle pas de méditation mais d'introspection. Il remarque que, de toute façon, nous nous adonnons à l’introspection, pendant la moitié de notre temps, c’est-à-dire à repasser le film de nos journées, de nos relations avec les autres, de nos regrets et de nos espérances, de notre place dans la vie et dans le monde comme il va. Mais cette introspection est-elle bien lucide ? Il suffit de poser cette question pour voir qu'elle s'apparente trop à une rumination et que les jugements de valeur que nous portons à tout bout de champ sont plus ou moins faussés. En tout cas, ils ne coïncident pas avec ceux que portent les autres. Bien sûr, les autres déforment autant que nous, mais nous n’aurons pas la naïveté de penser que nous avons toujours raison… Voilà la toxine morale : c’est je jugement faussé que nous portons sans arrêt sur notre ego et sur autrui.

Comme nous ne pouvons jamais interrompre le flux continu de notre introspection, autant la mener de façon lucide plutôt qu’obnubilé. Diel ne nous attaque pas par le biais de la morale et d'une injonction à l’altruisme mais sur notre recherche de satisfaction contrariée par le brouillard dans lequel nous évoluons. La lucidité suppose deux choses, une méthode et du courage.

Pourquoi donc faudrait-il avoir du courage pour diminuer notre angoisse ? Réponse : à cause de la vanité de notre ego qui ne supporte que très peu de se remettre en question, qui dit qu’il est notre richesse, notre différence, notre originalité, et qui n’a pas du tout envie d'ébranler un plan de vie que nous avons soutenu devant nous-même et devant les autres depuis tant d’années. Voilà la vanité !

Je connais très mal la méditation bouddhiste mais je suis convaincu que nous avons chez nous (le dis-je par vanité européenne ?) d’excellentes ressources dans l’introspection telle que Paul Diel en donne la méthode. Comme je veux que ce billet reste court, je promets d’y revenir vite.

Photos : tags surpris sur le chemin des puces de Marseille.

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