Sur les trottoirs de Bastia.
Savez-vous que Bastia, n'en déplaise à Angelo Rinaldi, a les plus beaux trottoirs du monde, mon.ma cher.ère lecteur.trice ? Je les ai foulés sous une pluie diluvienne toute la journée de samedi dernier, moi qui suis abonné aux trottoirs de bitume de Marseille.
Bastia nous a séduits, Michèle et moi, par sa superbe architecture génoise de 5, parfois 6 étages, par la qualité de ses cafés et de ses boutiques élégantes à voûtes de brique et murailles de schiste au premier rang desquelles figure, sur la place Saint Nicolas, le magasin MATTEI Cap Corse, apéritif créé en 1872, où nous avons fait nos emplettes de Noël.
Moins agréable était le couvent des Clarisses, fondé en 1600, qui permettait aux meilleures familles de Bastia de se débarrasser de leurs filles surnuméraires. Sur le seuil était gravé le mot que Dante plaça à l'entrée des enfers : Lasciate ogni speranza voi ch'entrate. Les malheureuses n'en ressortaient jamais et recevaient comme seule visite, une fois l'an, le jour de la Sainte Claire, celle du Gouverneur de la Corse qui assistait à l'office et pour qui elles préparaient un repas. Ce que ça devait frétiller, ce jour-là ! Après la Révolution, le couvent fut transformé en une prison utilisée jusqu'en 1993. Ce fut une promotion pour les prisonniers qui croupissaient jusque-là dans les cachots aménagés sous le palais du fameux Gouverneur.
Il n'y a pas que des filles qui furent sacrifiées à Bastia. Michèle qui sait regarder jusqu'au cinquième étage, même à travers son parapluie, tout en surveillant le pavé glissant, m'a fait remarquer cette mère qui offre son fils en holocauste à la patrie en haut du monument aux morts de la place Saint Nicolas.
La seule paroisse de Sainte Marie affiche une bien longue liste de victimes comme on en trouve dans le moindre hameau corse plus que dans n'importe quel (autre ?) village français.
La pauvre Marie s'y connaissait en holocauste, mais son martyre ne finira jamais tant qu'il y aura des hommes. Voyez plutôt le sort que lui ont réservé sur une route de Balagne l'ouvrier des Ponts-et-Chaussée et le préposé de l'EDF et/ou du téléphone qui n'ont pourtant fait que leur devoir.
Nous avons donc terminé notre séjour à Bastia en offrant un cierge à la pauvre Marie.