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Sur les obsèques du cardinal Bernard Panafieu

Vendredi vers 15 heures, nous nous sommes dirigés, Michèle et moi, bras dessus, bras dessous, vers Les Terrasses du port, centre commercial géant de Marseille, histoire de faire un peu de shopping. Surpris par beaucoup de forces de police sur l'esplanade de la Major et surtout par un glas qui sonnait sans discontinuer sur 4 notes, de l'aigu au grave, sur un rythme très lent. C'était les obsèques du cardinal Bernard Panafieu, ancien archevêque de Marseille. La cathédrale était comble et le chœur occupé par une grande centaine de prêtres en rouge, en blanc, en violet, des cardinaux, des évêques, le nonce apostolique. La crosse et la mitre. Les enfants de chœur en surplis brodé. Les grandes orgues.

Une petite enquête m'a permis d'apprendre que le glas, sonné au moment de l'agonie, du décès et de l'enterrement, varie selon les régions de France, romain au nord, tinté au sud, selon les églises et selon le sexe du défunt. J'en ai écouté plusieurs, mais impossible d'en retrouver un si beau et si triste que celui-là que je n'ai pas eu l'à propos d'enregistrer à temps. À ne pas confondre avec le tocsin qui annonce les périls. Occasion d'entendre ces autre musiques qui donnent la chair de poule et font monter les larmes, la Sonnerie aux morts et Le Chant des partisans.

Sous les voûtes néo-byzantines de la Major, j'ai repensé à deux textes écrits par des athées, Proust et Houellebecq.


Supposons, écrit Proust, le catholicisme éteint depuis des siècles, les traditions de son culte perdues. Seules, monuments devenus inintelligibles d’une croyance oubliée, subsistent les cathédrales désaffectées et muettes.

Jamais spectacle comparable, miroir aussi géant de la science, de l’âme et de l’histoire ne fut offert aux regards et à l’intelligence de l’homme. Le même symbolisme embrasse jusqu’à la musique qui se fait entendre dans l’immense vaisseau et de qui les sept tons grégoriens figurent les sept vertus théologales et les sept âges du monde.

De leurs vitraux de Chartres, de Tours, de Sens, de Bourges, d’Auxerre, de Clermont, de Toulouse, de Troyes, les tonneliers, pelletiers, épiciers, laboureurs, armuriers, tisserands, tailleurs de pierre, bouchers, vanniers, cordonniers, changeurs, grande démocratie silencieuse, fidèles obstinés à entendre l’office, n’entendront plus la messe qu’ils s’étaient assurée en donnant pour l’édification de l’église le plus clair de leurs deniers. Les morts ne gouvernent plus les vivants. Et les vivants, oublieux, cessent de remplir les vœux des morts. (La Mort des cathédrales, (1904) dans Pastiches et Mélanges, Pléiade, 1971, p. 141 à 149)


Michel Houellebecq n'a pas un regard différent :


Dans des pays comme l’Espagne, la Pologne, l’Irlande, une foi catholique profonde, unanime, massive structurait la vie sociale et l’ensemble des comportements depuis des siècles, elle déterminait la morale comme les relations familiales, conditionnait l’ensemble des productions culturelles et artistiques, des hiérarchies sociales, des conventions, des règles de vie. En l’espace de quelques années, en moins d’une génération, en un temps incroyablement bref, tout cela avait disparu, s’était évaporé dans le néant. (La Possibilité d’une île, 2005, p. 354)


J'ajouterai une métaphore imaginée par Lakis Proguidis :


On raconte que certains oiseaux qui avaient l’habitude, dans des temps immémoriaux, de faire escale en Atlantide pour se reposer, tournent maintenant pendant des heures dans le ciel au dessus de l’endroit où cette île s’est engloutie. C’est toute la logique du roman de Houellebecq : des mouvements concentriques autour de ce qui n’existe plus. (L’Atelier du roman, n° 9)

Photos : Devant la Major, la statue de Monseigneur de Belsunce, évêque de Marseille pendant la peste de 1720, par Marius Ramus. À l'intérieur les obsèques de Monseigneur Panafieu.

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