Où en serons-nous en 2050 ?
Alain Caillé, directeur de la Revue du MAUSS (n° 48), envisage trois scénarios. Si les choses suivent leur cours actuel, premier scénario, l'ultra-libéralisme mondialisé s'aggravera. Les hommes seront réduits à l'état de particules élémentaires, comme dit Houellebecq, mus par le seul intérêt, émancipés de tous les liens traditionnels, famille, métier, patrie, religion. La démocratie ne sera plus qu'un mot puisque l'argent seul règnera au prix d'inégalités aggravées.
C'est contre cette perspective individualiste que les deux grands totalitarismes au XX° siècle se sont élevés, le rouge et le brun. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ils peuvent très bien se réveiller au XXI° siècle, comme c'est déjà le cas sous la couleur verte. Alain analyse le totalitarisme islamique comme une conséquence inversée de l'ultra-libéralisme.
Il se peut d'ailleurs que l'individualisme de la première hypothèse conduise elle-même à un totalitarisme inversé, c'est-à-dire que les individus n'auront pas besoin d'un chef d'orchestre pour marcher tous au même pas. Nous voyons tous les jours des différences disparaître dans le monde sous les poussées de la modernisation. Les rivalités qui nous divisent nous rendent sans cesse plus semblables au lieu de nous distinguer. Ce n'est pas exactement ce sens qu'Alain donne à l'expression totalitarisme inversé, mais je crois qu'il sera d'accord.
Le totalitarisme et le totalitarisme inversé sont aussi détestables l'un que l'autre. Ils ont aussi en commun leur indifférence à la dégradation de l'environnement qui commence à compromettre la vie sur terre.
Le troisième scénario est beaucoup plus souriant et il dépend de nous. Puisque nous sommes de plus en plus lassés de l'affrontement d'une gauche et d'une droite qui nous a conduits à la situation présente avec la croissance comme seule perspective, il nous reste un troisième choix, celui du convivialisme, c'est-à-dire d'une mobilisation solidaire en vue d'une prospérité sans croissance, d'une réconciliation entre économie et écologie. Un civisme planétaire est possible à partir de la multiplication d'associations locales qui ajouteraient un troisième pôle au couple marché/État.
Civique et écologique, le convivialisme est aussi une morale soucieuse de rendre à la nature ce qu'elle nous a donné. L'ennemi est l'hybris, la démesure. Le plus ancien texte de la culture européenne s'ouvre par une grosse crise d'hybris, la jalousie d'Achille, qui menace de conduire l'armée archéenne à sa perte. Aveugle, Homère était un anthropologie lucide. Péguy le disait plus moderne que le journal du matin.
On peut visiter le site lesconvivialistes.org, signer le manifeste en ligne et faire suivre aux amis.
Photo : tête d'Homère, musée du Louvre.