L'Europe, la laïcité et... la Vierge Marie
On dit que l'Europe a exprimé un déni de son passé en refusant toute allusion au christianisme dans sa Constitution. Jean-Luc Mélenchon nous montre le contraire en protestant, au nom de la laïcité, contre le fond bleu Vierge Marie du drapeau étoilé de l'Union. Jean Birnbaum vient de prendre la défense de ce drapeau dans le bel article qu'il a signé dans Le Monde ce vendredi.
L'ami de Sandra souligne que le même Mélenchon va affirmant que les attentats djihadistes n'ont rien à voir avec l'islam. La contradiction est trop forte : les "pères" de l'Europe "qui ont recueilli l'héritage spirituel de l'Europe pour le transcender" seraient plus cléricaux que les "frères " de l'EI qui veulent la détruire avec des explosifs !
Jean rappelle que, pendant mille ans, la coïncidence de l'Europe avec le christianisme a été le signe distinctif de ce petit promontoire du continent asiatique. La laïcité, continue-t-il, ne consiste pas à éradiquer la religion mais à "lui donner sa juste place". Et de rappeler que l'histoire de la République est intriquée dans celle de la religion chrétienne. Ainsi, la notion d'universalité n'est que la traduction latine du mot grec catholique. On pourrait continuer : Jésus peut passer pour l'inventeur de la laïcité (Rendez à César...) ; Marianne doit son prénom à Marie et à sa mère Anne.
L'histoire nous dit que la Première République fit la guerre au catholicisme beaucoup plus qu'au christianisme. "Le citoyen Jésus-Christ a été le premier sans-culotte du monde", s'écriait en 1793 François Chabot à la tribune de la Convention. Pour Victor Hugo, les deux événements les plus importants de l'histoire de l'humanité sont l'Évangile et la prise de la Bastille.
Le socialisme lui-même se voulait la continuation du christianisme comme en témoigne son texte fondateur, Nouveau Christianisme, écrit par Saint-Simon en 1825, ou l'idée, chère à son disciple Pierre Leroux, que l'idéal républicain était la synthèse de la liberté grecque, de la fraternité chrétienne et de l'égalité dont Rousseau était "le docteur". Cela n'empêchait pas Leroux de dénoncer les péchés historiques de l'Église avec autant de vigueur que Voltaire et de résister à l'idée de transcendance pour ne concevoir Dieu que comme synonyme de la vie universelle.
On pourrait argumenter que la couleur bleu ciel appartient au catholicisme davantage qu'au christianisme. Avons-nous besoin de telles querelles cinquante ans après le Concile de Vatican II et au moment où 80 % des insectes ont déjà disparu d'Europe sous l'effet des pesticides et des engrais et où les abeilles qui ont survécu produisent un miel bourré de néonicotinoïdes ? On apprend cela quelques pages plus haut dans le même journal.
Mon billet précédent, Où en serons-nous en 2050 ? répercutait l'appel d'Alain Caillé au rassemblement convivialiste de toutes les forces de bonne volonté favorables à un civisme anti-libéral et écologique, en particulier les religions, même musulmane et catholique, à l'instar du pape François et de son Encyclique écologique Laudato Si consacrée à notre maison commune, la terre. Ces mots sont les premières paroles d’un cantique de Saint François d’Assise « Laudato si’, mi’ Signore… Loué sois-tu, mon Seigneur pour notre sœur et notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe. »
Ah, si les terroristes et les idéologues mettaient leur énergie au service de notre pauvre planète !
Photo : oratoire à l'entrée de Murs (Vaucluse)