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Le sexe, l'estomac et l'amour-propre



Comme les bêtes, nous avons tous un estomac et un sexe, conditions absolues de notre survie. Les plantes aussi, sous les formes qui leur sont propres. Alors où est spécifiquement humain ? Je cherche ce qui nous pousse à nous lever chaque matin, à ce qui oriente nos pensées et nos actions, nos désirs et nos soucis. L'appétit des biens matériels destiné à satisfaire notre corps, bien sûr, Marx avait raison de le souligner. La libido aussi, Freud avait raison de son côté de tant y insister. Marx et Freud ! Les deux mentors de notre XX° siècle...

Nous sommes pourtant affrontés à deux problèmes. Premier problème, c'est que Marx comme Freud revendiquent chacun l'hégémonie pour l'organe directeur qu'ils ont élu, le besoin matériel pour le premier, la libido pour le second. On pourrait au minimum leur demander de s'entendre et de réduire chacun de 50 % leurs prétentions s'ils veulent vraiment nous faire connaître l'homme et permettre une synthèse.

Il y a un second problème, c'est qu'ils ont oublié l'un et l'autre un troisième organe directeur qui est justement le propre de l'homme, celui-là : l'amour-propre. Mais qu'est-ce que l'amour propre, amor sui, self love ? Au premier sens, c'est l'amour de soi qui comporte évidemment la faim et le désir sexuel. C'est sur le deuxième sens que je veux mettre l'accent, l'amour-propre, entendu comme souci du regard de l'autre. Qu'est-ce que les autres pensent de moi ? Est-ce qu'ils m'apprécient ? Voilà ce qui nous taraude tous et qui peut-être me pousse à écrire ce blog...

Les meilleurs dictionnaires ne distinguent pas clairement les deux sens d'amour-propre. Il y a de l'égoïsme dans tous les cas mais, au sens qui nous intéresse, l'égoïsme se met à faire un détour par la conscience d'autrui pour rechercher son estime et souffrir de son indifférence ou de son mépris.

L'amour-propre fut le grand oublié du XX° siècle. Le mot même a une petite connotation XVII° siècle : La Rochefoucauld, Pascal. Marivaux aussi en a fait grand cas. En 1762, le Dictionnaire de l'Académie fit place au néologisme égoïsme parce que amour-propre qui était jusque-là synonyme s'était éloigné de son sens premier pour désigner chez les psychanalystes du XVII° siècle, je veux dire les moralistes classiques, la passion de paraître, le besoin de reconnaissance, dira Hegel. Les psychanalystes du XVII° connaissaient bien l'inconscient qu'ils appelaient l'inscrutable. La Rochefoucauld le comparaît à l'œil qui voit tout hors lui-même. Cette psychanalyse est aujourd'hui complètement marginalisé et sent la perruque.

C'est pourtant elle qui nous manque, à mon avis. Non seulement, il faudrait accorder à l'amour-propre les 33, 33 % qui lui reviennent à côté des deux autres besoins. Mais en plus, il compte double car il surdétermine et dynamise sans cesse l'appétit des biens matériels et la libido car notre amour-propre entre en rivalité avec celui des autres, ce qui nous entraîne à désirer toujours plus...

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