Les olives cassées

Les olives de Lucques sont les plus dodues, allongées et un peu courbes, et la mouche, fine comme on sait, les attaque les premières, ce qui les rend facilement véreuses. Et comme elles ont un faible rendement, en novembre, nous méprisons les 5 arbres qui produisent cette variété au moment de la récolte pour l'huile. Mais cet été caniculaire nous a préservés des attaques de la mouche et on a trouvé les fruits intacts en septembre sans les avoir traités. On a récolté 20 kilos. J'avais, sur l'échelle, la sensation de traire la branche avec les doigts de ma main disposés comme les dents d'un râteau retourné pour les recueillir dans ma paume. Je songeais à un belle page de Giono, ce romantique, qui, dans Noé, je crois, oppose la perte et l'avarice pour dire que la cueillette des olives est un exercice de l'avarice quand on voit le sac s'arrondir.
En cassant les olives, j'ai voulu avec Michèle écouter en podcast Fonkielkraut qui parlait de Saint-Exupéry hier matin. Le bruit des pilons fut le plus fort. Je sauvai cependant deux citations mélancoliques : On ne se recrée pas de vieux camarades, quand ils tombent en mission, et : Il faudrait faire tomber sur le monde un manteau de chant grégorien, quand ce monde est en proie au seul appétit des biens matériels. Encore un mystique comme Péguy !
Les olives furent immergées dans une solution de soude pour la désamérisation, en attendant l'aromatisation : thym, laurier, fenouil, poivre, piment. Pour l'hiver...