top of page

Préfère le triangle


Je ne suis pas franc-maçon. C’est ce que j’ai répondu quand on m’a demandé pourquoi le triangle revenait sans cesse lorsque j’écris. J’en suis très conscient et je voudrais dire pourquoi j’affectionne cette forme.

Combien de fois ai-je dit à mes étudiants : donnez toujours 3 exemples. 2, c’est un peu maigre. 4 ou 5, c’est fatiguant. Et arrangez-vous pour qu’ils soient très différents et que le triangle soit équilatéral.

Il y a bien plus. Dans les années 1830, les premiers socialistes se sont opposés à l’ontologie des catholiques en disant que l’homme n’était pas double, âme et corps opposés, mais triple : sentiment, sensation et connaissance inséparables. Immense révolution qui peut encore nous servir.

Pierre Leroux a continué sur ce chemin en proposant une modification de la triade républicaine : liberté / fraternité / égalité, qui ne fut malheureusement pas adoptée en 1848. Il savait bien que la liberté et l’égalité sont comme le chien et le singe dans la maison, toujours en querelle. C’est pourquoi le socialisme absolu est aussi dangereux que l’individualisme absolu. Le socialisme républicain sera un équilibre toujours instable entre la liberté et la règle égalitaire, autant dire entre l’égoïsme et l’altruisme. Marcel Mauss a confirmé dans son Essai sur le don.

Je dirai une autre raison de préférer le 3 : c’est Dieu dans la symbolique romane et, aussi, ajouterai-je, le triangle féminin, ce qui n’est, finalement pas si différent, n’est-ce pas, cher lecteur ? Avez-vous déjà examiné un corps humain ? Peut-on en dire plus et mieux que Thomas Mann dans ces trois lignes :


À l’ombre des aisselles aux relents âcres répond en un triangle mystique l’obscurité du sexe, de même qu’aux yeux la bouche rouge et épithéliale et aux fleurs rouges de la poitrine, le nombril vertical et allongé.

(La Montagne magique, Poche, traduction Maurice Betz, p. 412)

Photo : trépied pour poser la marmite dans le foyer.

bottom of page