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Les deux bidons (fabulette)


Deux bidons reposaient côte à côte. L’un dit à l’autre :

B 1 : Comment allez-vous, mon cher ami ?

B2 : On fait aller…, répondit l’autre. Enfin, mieux vaut tard que jamais…

B1 : Quoi, Mieux vaut tard que jamais ?

B 2 : Voilà des années que nous séchons ici et c’est aujourd’hui que vous prenez de mes nouvelles. Vous êtes un égoïste !

B 1 : Saluez plutôt mon initiative. Et vous, que ne m’avez vous adressé la parole ?

B2 : Pardon, j’étais là bien avant vous ! C’est aux nouveaux arrivés de saluer les premiers.

B1 : Désolé, je suis plus vieux que vous. La rouille me ronge. Honneur à la vieillesse !

B2 : La vieillesse ! La vieillesse ! Vous parlez comme les hommes. La vieillesse d’un bidon, voilà qui est plaisant ! Nous finirons à la déchetterie...

B1 : Voilà une pensée que je ne puis souffrir. Ah, si nous pouvions au moins rouler au bas de cette pente ! Un destin meilleur nous y attend peut-être…

B2 : Rouler, rouler… Nous sommes faits pour cela, après tout, mais qui nous donnera la première impulsion ? Nous sommes raides comme des santons !

B1 : Mon cher ami, voyez-vous la charmante table ronde qui se tient devant nous, là où l’herbe est plus verte ?


B2 : Il y a longtemps que je la regarde. Ses rondeurs me troublent. Mais elle n’est plus de première jeunesse, elle non plus.

B1 : Qu’importe ! Il n’y a qu’elle par ici et elle m’a tout l’air d’une table tournante.

B2 : En tout cas, ce n’est pas vous qui lui tournerez la tête.

B1 : Vous parlé-je de cela ! Elle seule peut nous heurter d’un bon coup, nous renverser et nous donner le primum movens dont nous avons besoin.

B2 : À notre âge ! Tous les trois ensemble ? Mais ce serait une horrible débauche !

B1 : Cette fois, c’est vous qui parlez comme les hommes. Les bidons ne sont pas si délicats. Les tables tournantes non plus ! Laissez-moi faire. Hé, mademoiselle… !

La table : Ces messieurs sont galants ! Qu’attendez-vous de moi ?

B1 : Les jours sont bien longs et bien maussades... Vous pourriez vous glisser entre nous. - Pardi, je veux bien, répondit la belle aux 3 pieds qui n’eut que quelques tours à faire.

- Nous sommes métalliquement vôtres, lui dirent ses chevaliers servants.

Les 2 bidons se mirent à vibrer dans un grand bruit de ferraille.

Tous trois se dérouillèrent si bien qu’ils roulèrent au bas de la pente.

À midi, les deux amis se réveillèrent, décapés à neuf.

La belle ferrugineuse avait gagné le 7° ciel, attirée par un Dieu aimant.

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