Les blessures de l'amour-propre ne s'oublient jamais
Dans le compartiment d’un train d’intérêt local. Vers Marseille, de retour de quelque match de basket lycéen. Seul avec Piclet et Bermol + une fille qui traînait par là.
Visage fade et sans intérêt. Assez bien roulée. Des seins.
Rayons obliques. Ennui et excitation.
Eux : Rires et fou-rires. Glissante banquette de moleskine.
La fille ne demande pas mieux que de se faire serrer de l’un à l’autre.
Moi : face à eux, ne sachant quelle contenance prendre.
Jouent à lui faire deviner leur âge.
Et lui ? demande Piclet en me désignant.
Ça, j’sais pas, répond la fille d'un air maussade.
J’en suis encore, après tant d’années, à me demander ce que signifiait Ça.
Les succès non plus... (Aéroport de New-York, J-F-K, 1993)
En transit vers Lawrence (Kansas) dans une salle d’embarquement semi déserte.
Suis assis sur une rangée de sièges inoccupés.
Devant moi, une fille canon entre dans une cabine téléphonique en verre. Elle a tout : la jupe moulante, les chaussures à talon, le sac, les ongles, le brushing, le foulard, les lunettes de soleil. Je la mate.
Au sortir de la cabine, elle vient direct s’asseoir à côté de moi.
Que lui dire dans mon mauvais anglais ?
Lui signifier que je suis français.
J’ai sur les genoux la brochure du colloque des Nineteenth century french studies où je me rends. Sujet : La Terreur. Une guillotine sur la couverture. Je lui explique, geste à l’appui.
Ce n’est pas très sexy mais bien français. Un bon point peut-être...
Comme Les Liaisons dangereuses que je mets au programme quand arrivent les jeunes étudiantes féministes de Wellesley college, enchantées de trouver ce stéréotype du libertinage dès leur atterrissage, elles qui sont formatées au sexuellement correct.
C’est l’heure. Où va-t-elle ? À Lawrence peut-être ? Non, à Chicago !
Qui n'a de semblables souvenirs ? Nous possédons tous, selon moi, trois organes directeurs vitaux, l'estomac, le sexe et l'amour-propre, et il se pourrait bien que ce soit le dernier qui commande les deux autres. En tout cas, ils s'amalgament souvent, comme dans ces deux anecdotes qui combinent l'amour-propre et le sexuel. Je fus dans la première perdant/perdant, dans la seconde gagnant/perdant.