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Sur la lapidation de la femme adultère


Le 28 juin, j’ai entendu un émigré syrien sur France Culture, réfugié à Paris avec ses enfants et ses vieux parents, s’étonner de la séparation des générations en France : les vieux seuls avec leur petit chien. J’irai te voir dimanche, dit le fils, enfin si j’ai le temps. Houellebecq donne-t-il à penser quand il dit : « l’amour libre » est un oxymore » ? La liberté d’aimer, l’érotisme, n’est donnée qu’à ceux qui sont doués des qualités physiques nécessaires.


Ainsi les êtres humains échangent leurs muqueuses

Avant de tout ranger dans les valises en fibre,

C’est ainsi qu’ils expriment leur statut d’êtres libres

Et leur humanité interchangeable et creuse.


Le sens du combat, Système sexuel martiniquais, 2015, p. 67.


J’ai assisté à un mariage juif il y a quelques jours. La mariée était en blanc, superbe. Le rabbin a présidé à l’échange des anneaux et a rappelé aux mariés qu’ils étaient unis « pour le meilleur et pour le pire » et qu’ils se devaient fidélité et secours. J’ai trouvé cela bien et me suis mis à penser à la lapidation de la femme adultère. Et aussi au beau supplice infligé à une coupable au début de Citadelle de Saint-Exupéry : la condamnée est dénudée et enchaînée à un rocher dans le désert. Ce sont les rayons du soleil qui puniront son impudeur. Si le châtiment est absolu, c’est pour n’être pas appliqué et que l’ordre règne dans les familles.

J’ai pourtant soutenu le point de vue inverse dans La république insoumise. Réponse à Michel Houellebecq, Mimésis, 2016. p. 159, et fait de Jésus qui relève la femme adultère le premier des féministes.

Voilà un exemple de plus que la tradition et la modernité ont beau se contredire, il est impossible d’arbitrer simplement. Il faut comprendre la logique de chacune en bien se rappelant que l’ethnocentrisme est un vilain défaut.

La question de l’entente à l’intérieur du couple ne se posait guère dans la tradition. La personne est bien une invention de la société individualiste. Le lien de consanguinité comptait bien plus que le lien d’alliance, c’est-à-dire le père plus que l’épouse. Et le désir ? Il était fortement canalisé par la loi toute puissante du groupe qui devait entraver jusqu’à l’imagination de pouvoir faire des écarts. Le seule question était que l’épouse donne des garçons. Je traiterai une autre fois du patriarcat. Une chose après l’autre. La vie quotidienne était largement routinière et standardisée. Et la maison ouverte sur l’extérieur dans un partage permanent. Rien à voir avec le huis clos de nos petits appartements.

Nous, en effet, partageons une intimité continuelle et créatrice avec notre partenaire mais notre imagination peut faire l’amour avec à peu près n’importe qui, même les jours fériés et dans la position qu’il nous plaira… Mais il y a un coût, le délaissement des perdants.

Cela revient à dire que la logique des sociétés de la tradition ne mérite pas notre mépris, mêmes s'il est vain de penser y revenir. Les deux modèles ne sont pas à présenter l’un à côté de l’autre comme deux options entre lesquelles nous aurions à débattre et à choisir. Ils se succèdent dans l’histoire, séparés par un fossé anthropologique immense. Nous vivons actuellement dans une difficile zone de turbulence dans laquelle la mondialisation fait cohabiter sur les mêmes trottoirs des hommes éduqués dans des systèmes opposés.


Photo : Toile d'Egon Schiele vue à Vienne.

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