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Vies d'ordures


Vu hier passionnante expo au MUCEM : Vies d’ordures sur le traitement des déchets autour de la Méditerranée, du meilleur, le tri sélectif au pire, les montagnes de saloperies qui suintent dans la mer à Naples ou à Beyrouth. Attention, ça ne dure que jusqu’au 14 août !

J’ai toujours aimé fréquenter les décharges et déchetteries, surtout du temps où on y trouvait des matériaux ou des objets anciens et j’y ai fait bien des moissons et des apprentissages.

Je vais, sur ce sujet, citer trois de mes ouvrages illustrés de deux photos prises à l’expo.


1- Dialogue entre Hector et Alice :

H- Quand on pense que les éboueurs font l’une des professions les plus nobles et des plus philosophiques qui soit et qu’elle est abandonnée à la Mafia ! Je crois que j’aurais eu la vocation. Je me mets souvent à la fenêtre quand je les entends passer ou quand il y a la voiture qui karchérise les trottoirs.

A- Il faudrait demander à leurs femmes ce qu’elles en pensent.

H- Le point de vue de l’éboueur, c’est l’hygiène au sens le plus concret mais aussi le plus métaphysique. D’ailleurs, chaque consommateur devrait adopter le point de vue de l’éboueur et penser à la destinée de ses rejets. Il n’y a aucun problème de société ou de morale qui ne passe par la benne de l’éboueur.

Regarde. D’un côté, Leroux et Houellebecq sont d’accord pour dire qu’aucune société ne peut subsister sans religion et d’un autre côté on assiste à l’extinction du clergé et à la désertification des églises. Comment faire ? Si on introduit le paramètre écologique, l’équation est résolue ! La religion catholique s’est égarée dans la stratosphère, elle pourrait se régénérer en faisant de l’écologie sa spécialité. D’ailleurs, avec l’effet de serre, elle s’occupera toujours du ciel. Et aussi de tous les grands fluides de la vie, l’air, l’eau, la lumière, le sang, le sperme.

A- Le sperme ?

H- Oui. Regarde les agriculteurs avec tous leurs pesticides. Leur fécondité est en chute libre.

A- Les femmes, y a un problème aussi avec toutes les pilules contraceptives qui aboutissent dans l’océan et qu’on retrouve dans les poissons qu’on mange.

H- Je voulais dire qu’avec l’écologie, l’Église catholique s’occupera toujours de l’origine de la vie dans sa plus vaste dimension. Elle reposera les problèmes de la pureté, de la solidarité, des générations futures, de la conscience, de la métaphysique sur une base incontestable, vivante, urgente. Cela fournira enfin une alternative sérieuse à la logique concurrentielle qui mobilise l’énergie des consommateurs comme celle des producteurs.

Avec ou sans sucre


2- L’erreur balistique des religions du livre

Les religions du Livre ont posé l’existence d’un être transcendant et d’espaces transcendants. Nous découvrons depuis une trentaine d’années qu’il existe en effet au dessus de nos têtes un ordre de réalité que l’humanité avait complètement négligé depuis son commencement. Nous découvrons que notre mode de vie est en interaction avec cette réalité et que ces interactions peuvent devenir très pernicieuses quand elles se dérèglent. Cette réalité, c’est la biosphère ! Je dirai donc que le judaïsme, le christianisme et l’islam ont eu bien raison de mettre les hommes en garde contre la démesure de leurs désirs en leur disant qu’il existe au dessus de leur tête des espaces invisibles dont ils devraient davantage tenir compte. Seulement, il y a eu erreur de calcul sur la distance à laquelle se trouvaient ces espaces invisibles, une erreur balistique. Les religions du Livre avaient beaucoup plus raison qu’elles ne le croyaient elles-mêmes. Nous savons en effet de science certaine depuis quelques décennies non seulement que les espaces invisibles qui président à nos courtes existences n’ont rien d’imaginaire, mais qu’ils sont beaucoup plus rapprochés de nous que nous ne pouvions le croire. Il me semble que le pape François a montré le bon exemple avec son Encyclique écologique Laudato Si consacrée à notre maison commune, la terre. Ces mots sont les premières paroles d’un cantique de Saint François d’Assise « Laudato si’, mi’ Signore… Loué sois-tu, mon Seigneur pour notre sœur et notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe. » Ah si les terroristes mettaient leur énergie au service de notre pauvre planète !

La République insoumise. Réponse à Michel Houellebecq


3- Nourriture et pourriture

C’est sans doute de ses promenades et conversations sur la grève de Samarez à Jersey en compagnie de Pierre Leroux que Hugo tira l’idée que si la terre nourrit les plantes, les bêtes et les hommes, elle se nourrit aussi de leur substance, par un cercle que le philosophe nommait Circulus. En effet, demande Leroux, les naturalistes voient que les vaches mangent de l’herbe, « mais l’herbe, que mange-t-elle ? » Réponse : l’herbe se nourrit de la terre, elle-même nourrie depuis le commencement du monde par les déjections et les cadavres des végétaux, des animaux et des humains. En résumé, « les vivants se nourrissent des morts ». Hugo tira de là la rime pourriture/nourriture qui fera ricaner les esprits distingués :


[…] La pourriture

Voit la rose et lui va porter sa nourriture ;

L’herbe vorace broute au fond des bois touffus ;

A toute heure, on entend le craquement confus

Des choses sous la dent des plantes ; on voit paître

Au loin, de toutes parts, l’immensité champêtre. (Le satyre, VIII, 1)


L’idée reparaît dans Quatre-vingt treize où Gauvain dit : « Tirez parti de vos richesses ; vous jetez l’engrais dans l’égout, jetez-le dans le sillon. » et, bien sûr, dans Les Misérables où les étonnantes pages sur les égouts de Paris déplorent, elles aussi, le gaspillage de l’engrais humain.

Lire les romantiques français




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