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À votre bon cœur




Grosse discussion sur la définition du cœur avec mon ami Jacques qui, dans son style inimitable, se dit bien perplexe. Extrait de son dernier message :


Le cœur n'est pas plus, on le sait, l'organe des sentiments que le foie n'est celui de la digestion. Nos crises de cœur seraient-elles, à l'instar des crises de foie, un égarement anatomique ? Après tout, cet organe, détourné pour configurer la fidélité amoureuse en empruntant la forme des feuilles de lierre (relisons Ovide !) et la couleur du steak saignant, souffre d'un mal hélas commun : une polysémie hyper-extensive, qui le jette en pâture aux métaphores les plus délirantes. Un mot qui désigne à la fois une marmite sentimentale, le noyau d'une centrale atomique, la partie tendre d'une laitue (j'évite d'évoquer l'artichaut), l'ardeur qu'on met à un ouvrage, j'arrête là une liste qui serait bien longue. Un tel mot a vocation à ne rien désigner du tout. Et pourtant, il existe : un cœur, c'est deux oreillettes, trois valves (en comptant l'aortique), et deux ventricules, bref, un muscle, original en ce qu'il est 1) dissymétrique 2) mobile 3) fragile. Je suis absolument incapable de dire ce que signifie cœur dans le contexte des sentiments.


Comment trouver la bonne définition ? Ce matin, à 6 heures, je mets France-Culture en prenant mon café et j’entends Don’t let me be misunderstood que j’écoutais jadis, au temps de mes premières amours, interprété par le formidable Eric Burdon, si sauvage et si fragile. Gros coup de cœur ! Eric Burdon, je t’aime ! Tâchez de l’écouter, en vidéo pour le voir aussi, :  https://www.youtube.com/watch?v=_2sz_YwwwQ4


Après, il y avait la meilleure émission de France Culture, Les pieds sur terre, tous les jours à 6h et à 13h 30. Sonia Kronlund ne donne pas la parole à des intellectuels mais à des simples gens qu’elle a l’art de dénicher. C’était justement sur le cœur. Il y avait d’abord un algérien sans papier qui pleurait d’émotion en racontant comment, un soir, à la tombée de la nuit, il avait aidé une fille perdue à accoucher sur un trottoir. Les pompiers sont enfin arrivés. Le petit va bien et portera, le prénom de son sauveur, Raba, qui espère devenir lui-même pompier pour aider.

Après, il y avait un marocain, un chauffeur de taxi en grève qui bloquait l’aéroport de Roissy. Il tombe sur une bonne sœur désespérée qui devait rejoindre son frère au bloc à l’hôpital de Toulouse pour lui donner son rein. Il a dit son bonheur, malgré son épuisement, à l’avoir conduite direct à Toulouse, 12 heures de route aller/retour. Rentré à temps pour conduire son fils à l’école. À l’œil et à votre bon cœur…

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